Chute à trottinette en colonie de vacances : insuffisance d’encadrement

Alors qu’elle se trouvait en colonie de vacances, une enfant âgée de 12 ans chute et se blesse au poignet lors d’une sortie en trottinette électrique.

Informés des faits, ses parents font alors une déclaration de sinistre auprès de la compagnie d’assurance de l'association organisatrice du séjour. En réponse, l’assureur propose le règlement de 184 € en réparation du déficit fonctionnel permanent subi par l’enfant.

Refusant cette proposition, les parents assignent en justice l’association afin qu’elle soit reconnue responsable des dommages subis par leur fille. Ils finiront par avoir gain de cause. 

Saisis du litige, les juges constatent en effet :

1️⃣ Que lors de cette sortie organisée par une société tierce pour le compte de ladite association, seuls deux encadrants étaient présents : l’un, animateur du centre de vacances, salarié de l’association et titulaire du BAFA ; l’autre, salarié de la société tierce, non titulaire de la certification préconisée par le ministère des Sports. 

2️⃣ Que le groupe des douze enfants participant à l’activité litigieuse a été scindé en deux sous-groupes de six enfants. Or, la présence d’un seul encadrant pour chacun des sous-groupes au lieu de deux constitue un manquement de l’association à son obligation d’assurer la sécurité des enfants.

3️⃣ Que l’activité de balade en trottinette électrique proposée à des jeunes enfants ne pratiquant pas habituellement cette activité, engendre des risques particuliers ; qu’à ce titre, l’association aurait dû faire preuve d’une attention et d’une vigilance accrues dans les moyens déployés pour l’encadrer.

Dans ce contexte, nul doute, pour les juges, que l’association a commis des manquements dans l’encadrement et la sécurité de cette activité, ces manquements la rendant responsable de l’accident. Au vu du contrat liant l’assureur et l’association, ils condamnent ainsi la première à payer 6 030 €, et la seconde 4 560 €. 

⚖️ Cour d’appel de Montpelier, 19 septembre 2024, affaire n° 22/03213

Accident de la circulation mortel : quid du préjudice économique des héritiers ?

Le juge pénal n’a pas à tenir compte, pour le calcul de l’indemnisation de la victime, des dispositions fiscales éventuellement applicables.

Tel est le rappel que vient d’effectuer la Cour de cassation. 

Dans cette affaire, une femme, qui s’occupait en journée de son petit-fils, était décédée après avoir été heurtée par une voiture.

Poursuivie en justice, la conductrice du véhicule avait été déclarée coupable d’homicide involontaire et avait été condamnée à payer aux ayants droits de la victime (les héritiers) la somme de 77 079,28 € en réparation de leur préjudice économique. Du fait du décès de leur mère, ces derniers avaient en effet été contraints de trouver en urgence un autre mode de garde pour leur enfant. 

Cherchant à diminuer le montant de l’indemnisation qui lui était réclamée, la conductrice avait alors contesté le mode de calcul retenu, faisant valoir qu'il convenait de prendre en compte les avantages fiscaux et réductions d'impôts dont les ayants-droits pouvaient bénéficier en recourant aux services de garde payants d'un tiers. En vain.  

Saisie du litige, la Cour de cassation confirme qu'il résulte du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime que les dispositions fiscales sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et sur le calcul de l'indemnisation de la victime.

⚖️ Cour de cassation, chambre criminelle, 3 septembre 2024, pourvoi n° 23-81.319

Infection nosocomiale : vers une conception large du lien de causalité entre l’infection et la prise en charge

En matière de dommage médical, la notion d’infection nosocomiale est centrale, car sa caractérisation déclenche l’application d’un régime d’indemnisation très favorable aux victimes. Sur ce point, la Cour de cassation fait preuve d’une grande souplesse et considère comme nosocomiale une infection en lien avec la prise en charge.

Dans cette affaire, un patient avait été pris en charge dans un établissement de soins pour le traitement d’une leucémie. Six mois plus tard, il avait subi une allogreffe de moelle osseuse et avait ensuite présenté une maladie du greffon contre l’hôte. Afin de traiter cette maladie, le patient avait alors reçu de fortes doses de corticoïdes, qui ont renforcé son immunodépression. A la suite de nombreux épisodes infectieux, le patient était décédé.  

Les proches du défunt avaient alors assigné en responsabilité et indemnisation l’établissement de soins, son assureur et l’ONIAM.

Mais les juges ont rejeté leurs demandes relatives au caractère nosocomial des infections, estimant que les infections avaient été causées par des bactéries dont le patient était porteur, et n’étaient donc pas de lien avec sa prise en charge.

Saisie du litige, la Cour de cassation censure cette décision, jugeant que « l’infection causée par la survenue d’une affection iatrogène présente un caractère nosocomial comme demeurant liée à la prise en charge ».

Ainsi, la Haute juridiction considère qu’une infection elle-même causée par les effets secondaires indésirables d’un traitement administré à un patient a un lien avec la prise en charge et, à ce titre, présente un caractère nosocomial. Dans ce contexte, la notion d’infection nosocomiale n’est exclue que si l’infection a une cause strictement étrangère à la prise en charge.

⚖️ Cour de cassation, 1ère chambre civile, 4 septembre 2024, pourvoi n° 23-14.684

Contrat d’assurance corporelle de la vie quotidienne : le décès accidentel est une condition de la garantie

Alors qu'il est au volant de son véhicule, le souscripteur d’un contrat d'assurance corporelle de la vie quotidienne et des loisirs est victime d'un malaise cardiaque grave et décède.

Quelques temps après, sa veuve sollicite auprès de l’assureur la mise en œuvre du contrat et le versement du capital décès qui y est prévu.

Mais l’assureur refuse sa garantie. A l’appui de sa démarche, il argue que le contrat ne couvre que les dommages corporels provenant de l'action soudaine, imprévisible et exclusive d'une cause extérieure. Or, selon lui, la veuve ne rapportait pas la preuve que son époux était décédé de manière accidentelle.

Pour sa défense, l’épouse du défunt rétorque que l’assureur ajoute une limitation de garantie non prévue  au contrat en invoquant une définition du terme « accident » qui impose la nécessité d'une cause extérieure. Elle finira par avoir gain de cause.

 Saisie du litige, la Cour de cassation juge que si le décès est bien dû à une cause naturelle, son caractère accidentel constitue une circonstance qui, s'agissant de l'application d'un contrat d'assurance couvrant les accidents corporels, est une condition de la garantie.

 ⚖️ Cour de cassation, 2ème chambre civile, 11 juillet 2024, pourvoi n° 22-18.378

Réparation du préjudice d’angoisse de mort imminente en cas de survie de la personne : précisions

Le préjudice d’angoisse de mort imminente en cas de survie se rattache, par principe, au poste de souffrances endurées, mais peut toutefois être indemnisé de manière autonome.

Telle est la précision importante que vient d’apporter la Cour de cassation.

En l’espèce, une aide-soignante, agressée par un patient à coup de couteau, avait assigné en justice l’assureur de son agresseur afin d’indemnisation. Devant la Cour d’appel, elle avait obtenu la somme de 10 000 € au titre du préjudice d’angoisse et de sensation de mort imminente.

Mais l’assureur avait contesté cette décision.

Saisie du litige, la Cour de cassation juge que le préjudice d’angoisse de mort imminente en cas de survie se rattache au poste des souffrances endurées, qui indemnise toutes les souffrances physiques et psychiques, quelles que soient leur nature et leur intensité, ainsi que les troubles associés qu’endure la victime à compter du fait dommageable et jusqu’à la consolidation de son état de santé.

Cependant, son indemnisation par un poste de préjudice autonome ne peut donner lieu à cassation que si ce préjudice a été indemnisé deux fois, en violation du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.

Or, en l’espèce, il ressort de la décision des juges que l'indemnisation des souffrances endurées n’a porté que sur celles qui étaient liées aux lésions consécutives à la multiplicité des plaies par arme blanche. Il ne peut en effet être considéré, sans précision sur ce point donnée par l'expert, que le vécu douloureux, moral et psychologique englobe aussi la sensation particulière éprouvée par la victime de sa fin prochaine. A ce titre, le préjudice d’angoisse de mort imminente devait faire l’objet d’une indemnisation autonome.

⚖️ Cour de cassation, 2ème chambre civile, 11 juillet 2024, pourvoi n° 23-10.068

Pertes de revenus futurs : l’auteur d’un dommage doit en réparer toutes les conséquences

A l’occasion d’une arthroscopie du genou réalisée en clinique, un patient présente un syndrome infectieux et conserve des séquelles. Afin d’obtenir réparation de ses préjudices corporels, il assigne alors en responsabilité et indemnisation la clinique et son assureur.

Durant la procédure, l’infection nosocomiale est reconnue et le déficit fonctionnel permanent de la victime évalué à 10 %. Les juges limitent toutefois à 30 % l’indemnisation de la perte de gains professionnels futurs (PGPF). Selon eux, si l’intéressé est désormais « inapte à son dernier emploi de chauffeur-livreur ainsi qu’à tout emploi nécessitant une conduite sur de longs trajets, un port de charges et des positions à genou et/ou accroupies », il « ne justifie pas de démarches sérieuses de recherche d’emploi ou de reconversion professionnelle ». 

Saisie du litige, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation censure cette décision. Elle rappelle que « l’auteur d’un dommage doit en réparer toutes les conséquences et que la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable ».

 En ce sens, la victime d’un accident médical qui conserve un déficit permanent de 10 % a droit à la réparation intégrale de ses préjudices. A ce titre, elle doit être indemnisée de la perte totale de ses gains professionnels futurs. L’affaire sera donc rejugée.

⚖️ Cour de cassation, 1ère chambre civile, 5 juin 2024, pourvoi n° 23-12.693

Faute inexcusable de l’employeur : le salarié peut utiliser un enregistrement clandestin pour prouver son accident du travail

Par une décision rendue le 6 juin 2024, la Cour de cassation a admis la recevabilité d’un enregistrement déloyal d’un salarié à l’encontre de son employeur en vue de faire reconnaître son accident du travail et l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur.

En l’espèce, un salarié avait déclaré avoir été victime de violences verbales et physiques commises par son employeur, accident que la caisse primaire d’assurance maladie avait pris en charge au titre de la législation professionnelle (accident du travail). 

L’employeur avait alors saisi le tribunal des affaires de Sécurité sociale d’une action en inopposabilité de cette décision. 

Le salarié sollicitait, quant à lui, la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. A l’appui de sa démarche, et pour prouver les faits, il avait fourni un enregistrement audio de l’altercation, enregistrement effectué à l’insu de l’employeur.

L’employeur s’était alors défendu, faisant valoir la déloyauté de la preuve fournie par le salarié et une atteinte à sa vie privée. En vain.

Saisie du litige, la Cour de cassation écarte l’argumentation de l’employeur et prononce la recevabilité de l’enregistrement illicite produit par le salarié.

Dans le prolongement de l’arrêt rendu par l’assemblée plénière le 22 décembre 2023, les Hauts magistrats considèrent en effet que si l’utilisation de l’enregistrement portait atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie privée du dirigeant de la société employeur et le droit à la preuve de la victime, la production de cette preuve était toutefois indispensable à l’exercice par la victime de son droit à voir reconnaître tant le caractère professionnel de l’accident résultant de cette altercation que la faute inexcusable de son employeur à l’origine de celle-ci.

Elle estime ainsi que l’atteinte portée à la vie privée du dirigeant de la société employeur était strictement proportionnée au but poursuivi d’établir la réalité des violences subies par elle et contestées par l’employeur, dans la mesure où les collègues présents lors de l’altercation avaient « un lien de subordination » avec l’employeur et le client présent avait un « lien économique » avec le gérant, de sorte que « la victime pouvait légitimement douter qu’elle pourrait se reposer sur leur témoignage ».

⚖️ Cour de cassation, 2ème chambre civile, pourvoi n° 22-11.736

Les juges ne peuvent procéder à une appréciation forfaitaire du dommage !

Un homme est gravement blessé par l’explosion d’un engin pyrotechnique lors d’une fête organisée par une association. Le dommage est tel qu’il n’a pu poursuivre son activité professionnelle de conducteur d’ambulance, dont il a été licencié pour inaptitude en 2012. De même, le dommage lui a interdit toute évolution dans la carrière de sapeur-pompier volontaire qu’il exerçait jusque-là. L’accident a en outre été lourd de conséquences sur sa vie personnelle. Il est finalement décédé en 2017, avant que son état ne soit consolidé.

Au regard de ces différents éléments, les juges ont déclaré l’association responsable des préjudices subis par la victime, qui avait introduit une action en responsabilité antérieurement à son décès. Ils ont ainsi condamné in solidum l’assureur et l’association à payer, aux ayants-droits de la victime, une somme évaluée forfaitairement à 80 000 € en réparation de l’incidence professionnelle, 60 000 € au titre du préjudice sexuel et du préjudice d’établissement (tous deux qualifiés de provisoires) ainsi que des sommes au titre de la perte de gains professionnels actuels et au titre du déficit fonctionnel temporaire.

Saisie du litige, la Cour de cassation a toutefois censuré cette décision :

1️⃣ Sur l’incidence professionnelle et pertes de gains professionnels actuels : les Hauts magistrats rappellent en effet que les juges ne peuvent procéder à une appréciation forfaitaire du dommage qu’ils sont tenus d’évaluer in concreto.

2️⃣ Sur le préjudice sexuel, préjudice d’établissement et déficit fonctionnel temporaire : les Hauts magistrats précisent également que le déficit fonctionnel temporaire inclut, avant consolidation, le préjudice sexuel de sorte que le préjudice lié à la perte de chance de mener à bien un projet familial en raison de la lourdeur du handicap découlant du dommage est indemnisé, lorsque la période précédant la consolidation de l’état de la victime est particulièrement longue, au titre du déficit fonctionnel temporaire. Force est donc de constater, en l’espèce, une atteinte au principe de réparation intégrale, les juges ayant indemnisé deux fois les mêmes préjudices.

L’affaire sera donc rejugée.  

⚖️  Cour de cassation, 2ème chambre civile, 25 avril 2024, pourvoi n° 22-17.229

Aggravation de vos séquelles : faites rouvrir votre dossier d’indemnisation !

Victime d’un accident ou d’une agression, vous avez été indemnisé.e une première fois par la compagnie d’assurance du responsable ou par le fonds de garantie. Mais, depuis, votre état de santé s’est aggravé ou votre situation personnelle a évolué de ce fait. Ne restez pas dans l’impasse : faites valoir vos droits ! Le droit de la réparation du dommage corporel vous offre en effet la possibilité de solliciter la réouverture de votre dossier d’indemnisation. Le recours aux services d’un avocat spécialisé en droit du dommage corporel s’avère alors judicieux pour mener à bien cette nouvelle procédure. Explications. 

1️⃣ Connaître vos droits
Lorsque, blessé.e, vous avez été indemnisé.e mais que votre état (lié aux blessures initiales) s’est aggravé, vous pouvez, sur ce motif, solliciter la réouverture de votre dossier d'indemnisation, même si plusieurs années se sont écoulées. L’aggravation que vous entendez faire valoir doit être médicale (aggravation séquellaire) ou situationnelle. Dans le premier cas, il s’agit d’une dégradation de votre état de santé au regard de la date de consolidation initiale (aggravation de vos séquelles par exemple). Dans le second cas, l’aggravation résulte d’une modification de vos conditions d’existence qui engendrent, par exemple, des nouveaux frais non encore indemnisés. Ainsi, il a été jugé que la naissance et l'éducation d'enfants chez une victime lourdement handicapée sont considérées comme une aggravation situationnelle donnant lieu à réparation. Au regard de votre situation personnelle, l’avocat en droit du dommage corporel vous informe sur vos droits et vous explique les étapes du parcours qui vous attend pour mener à bien votre démarche indemnitaire. Tout au long de ce processus, il vous accompagne et protège vos intérêts face aux assurances qui cherchent toujours à minorer vos séquelles pour réduire leurs coûts.

 2️⃣ Constituer votre dossier médical
Qu’elle soit amiable ou judiciaire, la demande d’indemnisation en aggravation nécessite de prouver, d’une part, l’existence d’un nouveau dommage (nouvelles séquelles médicalement constatées ou nouveau préjudice économique par exemple) et, d’autre part, le fait que ce dommage soit imputable à l’accident ou à l’infraction d’origine. L’enjeu, et parfois même la difficulté, est bien d'établir le lien de cause à effet entre le « fait nouveau » et l'accident orginel, parfois très ancien. Rompu à cet exercice, l’avocat spécialisé en droit du dommage corporel liste toutes les pièces et justificatifs nécessaires à cette démarche : certificat médical d’aggravation, précédente expertise, ordonnances, comptes-rendus opératoires, radios, scanners, arrêt de travail mais aussi photos, attestations, etc. Le cas échéant, il propose que certains documents soient ajoutés ou rédigés différemment pour les besoins de votre dossier.

 3️⃣ Préparer l’expertise
A l’instar de la première demande d’indemnisation, une expertise médicale est mise en place. A ce stade, les médecins des compagnies d'assurances cherchent alors souvent à minimiser l'évaluation du dommage corporel de la victime. Il est donc essentiel qu'un avocat en droit du dommage corporel vous prépare, en amont, à cette étape cruciale. Toujours avec le concours d’un médecin-conseil de victimes, il établit la liste exhaustive des préjudices pouvant faire l'objet d'une indemnisation. Puis, le jour de l'expertise, il vous accompagne avec le médecin-conseil de victimes et s'assure de la bonne restitution de tous les éléments du dossier. Par la suite, il peut former des observations médicales et juridiques et même contester l'évaluation de tel ou tel préjudice aggravé.

 4️⃣ Négocier avec les assurances
Lorsque la voie amiable est privilégiée, il est toujours préférable de laisser un avocat en droit du dommage corporel négocier avec les assureurs le montant de votre indemnisation. Il en connait tous les enjeux et est à même d’évaluer techniquement, selon la nomenclature dite Dintilhac, si l’offre qui vous est faite est acceptable ou sous-évaluée. Aguerri aux rapports de force, il négociera pour vous la juste réparation de l’ensemble de vos préjudices en faisant valoir tous les arguments factuels, jurisprudentiels et juridiques de votre dossier. Si un accord est trouvé, il vous appartiendra alors de signer un protocole transactionnel qu’il aura au préalable contrôlé et validé.

 5️⃣ Faire valoir vos droits en justice contre votre assureur
En cas d’échec des négociations (ou avant, si un désaccord bloque la phase amiable), l’avocat en droit du dommage corporel peut saisir les tribunaux afin de contraindre les assureurs à vous indemniser à la hauteur de l’ensemble de vos préjudices. Dans ce cas, il vous assiste, vous représente et défend vos intérêts devant les juridictions compétentes.

Le Cabinet reste à votre entière disposition pour vous renseigner plus avant et vous accompagner tout au long de cette démarche.

Accident médical : la faute du professionnel de santé n’exclut pas nécessairement l’intervention de l’ONIAM

Souffrant de douleurs dans la région latéro-pubienne, une patiente est prise en charge au sein d'un centre hospitalier par un chirurgien salarié qui procède à une exploration sous anesthésie locale. Aucune hernie crurale ou inguinale n’est décelée mais, au vu de la persistance des douleurs, un examen par IRM est réalisé. Cet examen met alors en évidence une formation kystique sous-cutanée correspondant à une hernie inguinale atypique. Au cours de l’opération qui s’en suit, la patiente subit une atteinte d'un nerf génito-fémoral, laquelle provoque une névralgie.

Quelques temps après, en vue d’obtenir la réparation de son préjudice, la patiente assigne en responsabilité et indemnisation le centre hospitalier et appelle l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) en la cause.

Saisie du litige, la Cour d’appel met à la charge de l’ONIAM une partie de l'indemnisation (en plus de celle qui doit être versée par le centre hospitalier au titre des fautes commises par son praticien).

Mais l’Office ne l’entend pas de cette oreille et conteste. A l’appui de sa démarche, il rappelle qu’en vertu de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique, lorsqu’une faute a été commise lors de la réalisation de l’acte médical à l’origine du dommage, une indemnisation au titre de la solidarité nationale est exclue. En vain.

 Appelée à trancher le litige, la Cour de cassation confirme la décision des juges rappelant que les dispositions de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique n’excluent l’indemnisation par l’Office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d’une faute.

 Dès lors, la réparation d’un dommage peut incomber partiellement à l’ONIAM, lorsqu’une partie seulement de ce dommage résulte d’une faute du praticien ou de l’établissement.

 Or, estiment les Hauts magistrats, c’est précisément le cas lorsque l’accident médical n’est pas dû à une faute, mais qu’une faute a aggravé les risques de sa survenance, faisant perdre au patient une chance de l’éviter.

 Ainsi, la Cour de cassation a déjà admis un complément d’indemnisation au titre de la solidarité nationale :
- Dans le cas d’un défaut d’information sur les risques d’une intervention au cours de laquelle un accident médical est survenu, faisant ainsi perdre au patient une chance de refuser l’intervention ;
- Dans le cas d’une prise en charge fautive des conséquences d’un accident médical, ayant fait perdre au patient une chance d’en limiter les conséquences dommageables.

 Rapporté au cas d’espèce, force est de constater que les fautes commises par le chirurgien dans la prise en charge de la patiente (absence de repérage de la hernie au premier examen et pose inutile d'une plaque lors de l'intervention) ont augmenté le risque d'atteinte névralgique inhérent à l'opération et ainsi fait perdre à la victime une chance d'échapper à sa réalisation.

 Dans ce contexte, l’ONIAM est donc tenu d’indemniser le patient au titre de la solidarité nationale, déduction faite de l’indemnité mise à la charge du responsable.

 ⚖️ Cour de cassation, 1ère chambre civile, 25 avril 2024, pourvoi n° 23-11.059

Du principe de libre disposition des fonds alloués à la victime !

Un homme est victime d’un tir par arme à feu. Alors que les auteurs de ce tir sont pénalement condamnés, il saisit une commission d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI) en indemnisation de ses préjudices.

 Appelés à trancher le litige, les juges évaluent le montant total de l’indemnisation qui doit lui être versé, au titre des dépenses de santé futures, à 2 131 400,03 €. Ils lui attribuent notamment une somme de 345 275,62 € au titre des « arrérages échus » et une rente annuelle de 51 502,08 €. Pour fixer le montant de l’indemnité due au titre des prothèses, les juges retiennent la valeur du point d’euro viager pour un homme de 48 ans, soit l’âge de la victime quand elle procédera au premier renouvellement de ces appareillages. Ils constatent en effet, au regard des pièces produites, et notamment des factures d’achat déjà acquittées, que la victime n'établit pas avoir disposé de ces appareillages antérieurement.

L’intéressé conteste. Il reproche aux juges de retenir, pour fixer le montant de l’indemnité due au titre des prothèses, la valeur du point d’euro viager pour un homme de 48 ans, au motif que « quand bien même la date de consolidation a été fixée au 10 janvier 2017, il n’avait acquis ces prothèses qu’en 2019, et n’établissait pas en disposer antérieurement ».

A l’appui de sa démarche, il affirme ainsi que l’indemnité allouée au titre des dépenses de santé future doit être évaluée en fonction des besoins appréciés à la date de la consolidation et non des dépenses qui ont ou n’ont pas été effectuées.

Saisie du litige, la Cour de cassation lui donne raison et censure la décision des juges du fond. Elle rappelle que le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime exclut le contrôle de l’utilisation des fonds alloués à la victime, qui en conserve la libre disposition.

 La Haute juridiction juge en conséquence que l’indemnité allouée au titre de ces prothèses doit être évaluée en fonction des besoins de la victime, déterminés à la date de consolidation, et ne peut être subordonnée à la justification des dépenses correspondantes.

⚖️ Cour de cassation, 2ème chambre civile, 4 avril 2024, pourvoi n° 22-19.307

La prédisposition pathologique d'une victime, révélée par un accident, ne réduit pas son droit à indemnisation

Un homme, victime d'un accident de la circulation impliquant une voiture, sollicite de l'assureur du conducteur l'indemnisation de son préjudice corporel. À l'appui de sa démarche, il soutient que l'accident a déclenché une pathologie préexistante mais jusqu'alors asymptomatique.

Pour limiter le montant de l'indemnisation accordé au requérant, les juges soulignent que si l’accident a effectivement révélé la maladie, celle-ci était en réalité liée à un état structurel antérieur. Dès lors, les lésions éprouvées par la victime après l'accident ne sauraient être prises en charge par l'assureur du conducteur puisqu'en raison des prédispositions pathologiques de la victime, ces symptômes seraient nécessairement apparus, même si l'accident n'était pas survenu.

Saisie du litige, la Cour de cassation censure cette décision. Elle rappelle que conformément au principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime « le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est résulté n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable ».

Ainsi, le droit d’une victime à obtenir l’indemnisation de son dommage corporel ne saurait être réduit en raison d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection qui en est issue ne s’est manifestée que par le fait dommageable.

Autrement dit, tant que jusqu’à la survenance du fait dommageable, les prédispositions ne sont que latentes ou que l’état antérieur est asymptomatique et non dommageable, il n’en résulte aucune incidence sur la réparation. Qu’une pathologie antérieure ait été l’une des causes du dommage laisse donc le principe de la réparation intégrale du dommage inchangé à la condition, toutefois, que le fait imputable au défendeur apparaisse lui-même comme une cause certaine de celui-ci.

Dans cette affaire, l’assureur doit donc indemniser les préjudices de la victime dans leur intégralité.

⚖️ Cour de cassation, 2ème chambre civile, 15 février 2024, pourvoi n° 22-20.994

Pas de responsabilité, pas d’action en réparation de l’aggravation d’un préjudice !

Une demande en réparation de l’aggravation d’un préjudice ne peut être accueillie que si la responsabilité de l’auteur présumé du dommage a été reconnue.

Tel est le rappel que vient d’effectuer la Cour de cassation dans sa décision en date du 21 mars 2024.

Dans cette affaire, un homme avait chuté alors qu’il tentait de monter dans un train. Gravement blessé, il avait dû être amputé de sa jambe droite, de son bras droit ainsi que de deux orteils de son pied gauche. Un rapport d’expertise médicale avait fixé la date de consolidation de son état de santé au 31 décembre 1982. 

Près de vingt plus tard, en mai 2001, cet homme avait assigné la SNCF en responsabilité et indemnisation. Par un jugement rendu le 1er octobre 2003 et devenu irrévocable, cette demande avait toutefois été rejetée, jugée comme prescrite.

Invoquant notamment une aggravation de son état de santé survenue en 2008, la victime avait alors de nouveau assigné la SNCF en responsabilité et indemnisation de son entier préjudice en 2010. A l’appui de sa démarche, elle soutenait pour l’essentiel que l’aggravation est un dommage nouveau, automne du préjudice initial, donnant naissance à un droit à réparation distinct.

L’affaire a alors été portée devant la Cour de cassation qui rappelle deux principes :

1️⃣  Le premier suivant lequel lorsqu’une décision judiciaire a été rendue sur une question, cette question ne peut plus être contestée dans le cadre de la même affaire ;

2️⃣ Le second selon lequel une demande de réparation de l’aggravation d’un préjudice ne peut être acceptée que si la responsabilité de l’auteur présumé du dommage a été reconnue.

Rapportés au cas d’espèce, les Hauts magistrats jugent donc qu’en raison de la prescription de l’action en indemnisation menée par la victime en 2001, la responsabilité de la SNCF n’a pas été établie et le préjudice initial n’a pas été déterminé avant l’introduction de l’action en aggravation. Par conséquent, l’action en responsabilité et indemnisation, tant du préjudice initial que du préjudice aggravé, est irrecevable car elle porte atteinte à l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 1er octobre 2003.

⚖️ Cour de cassation, 2ème chambre civile, 21 mars 2024, pourvoi n° 22-18.089

Accidents de la circulation : la loi Badinter ne s’applique pas en cas d’actes intentionnels

Le fait volontaire du conducteur d'un véhicule est exclusif de la qualification d'accident de la circulation, au sens de la loi du 5 juillet 1985. 

Telle est la précision que vient d’apporter la Cour de cassation dans sa décision en date du 15 février 2024.

Dans cette affaire, la passagère d'une voiture, conduite par une amie, avait été blessée lors d'une sortie de route du véhicule. Elle avait alors assigné devant les tribunaux son amie (propriétaire de la voiture) et l’assureur du véhicule pour obtenir, sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 (loi Badinter), l'indemnisation de son dommage corporel.

Mais l'assureur s’était défendu : pour lui, il ne s'agissait pas d'un accident de la circulation dans la mesure où le dommage subi par la victime n'était pas la conséquence d'un événement fortuit, mais le résultat d'un acte volontaire de la conductrice, celle-ci ayant délibérément pris la décision de précipiter son véhicule en dehors de la chaussée. A ce titre, il ne pouvait donc être condamné à prendre en charge le dommage corporel de la victime.

Toute la difficulté de cette affaire reposait donc sur une seule question : le fait que la conductrice ait pris l’initiative de la sortie de route à l’origine du préjudice subi, même sans avoir eu l’intention de le causer, suffisait-il à évincer le caractère accidentel nécessaire à l’application de la loi Badinter ? 

Saisie du litige, la Cour de cassation répond par l’affirmative.

Elle affirme ainsi que ne constitue pas un accident, au sens de la loi du 5 juillet 1985, celui qui, volontairement provoqué par le conducteur ou par un tiers, ne présente pas, de ce fait, un caractère fortuit.

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 15 février 2024, pourvoi n° 21-22.319

Indemnisation du dommage médical : précisions quant au versement de la rente et à l’évaluation du préjudice de perte de gains professionnels futurs

Un jeune homme, âgé de 16 ans, est victime d'un grave accident de la circulation. Après plusieurs interventions chirurgicales, il est pris en charge, dans un premier hôpital relevant de l'assistance publique - hôpitaux de Paris (APHP), où il subit plusieurs interventions de réfection de ses pansements. Du fait de la progression d'une nécrose, il est finalement amputé du tiers inférieur de sa jambe droite.

Souffrant d'une infection polymicrobienne, il est alors par la suite transféré dans un second hôpital, relevant également de l’AP-HP, où il subit encore treize interventions chirurgicales.

Après expertise complémentaire, le tribunal administratif juge que le retard mis, par le service des urgences du premier hôpital, dans le diagnostic et la prise en charge de l'ischémie sévère du membre inférieur droit, a fait perdre au patient 70% de chances d'éviter l'amputation de sa jambe. En conséquence, l’AP-HP est condamnée.

Estimant que la somme qui lui est allouée en réparation de son préjudice est insuffisante, le jeune homme conteste la décision rendue sur ce point. Il finira par avoir gain de cause.

Saisi du litige, le Conseil d’État juge en effet :

1️⃣ Sur les frais d'appareillage futurs et les frais de santé futur

S’agissant des dépenses de santé futures, l'indemnisation n'est pas subordonnée à la présentation de justificatifs d'engagement de ces frais, mais à la preuve de la persistance du besoin à l'origine de ces dépenses. Dès lors, s'il est loisible au juge, lorsqu'il décide d'accorder une rente pour l'indemnisation d’un besoin futur conduisant la victime à exposer des dépenses de santé, de demander à celle-ci de produire, à intervalles réguliers, des éléments de nature à justifier de la persistance de ce besoin, le versement de la rente à la victime ne peut être subordonné à la production de justificatifs d'engagement de dépenses. 

2️⃣ Sur la perte de gains professionnels futurs

Dans le cadre d’une demande au titre de la perte de gains professionnels futurs, la victime, dont les dommages subis affectent un accès dans les conditions usuelles au monde du travail, peut prétendre à la réparation de la perte de revenus professionnels, même si elle n'est pas dans l'incapacité d'occuper un emploi.

Conseil d’État, 5ème et 6ème chambres réunies, 13 février 2024, affaire n° 463770

La loi Badinter s’applique aux tramways qui circulent sur des voies qui ne leur sont pas propres

À cause d'une bousculade entre élèves à la sortie des classes, un collégien perd l'équilibre et fait un écart sur la voie de tramway qui longe le trottoir sur lequel il marche. Heurtant le tram qui arrive, il se blesse à la tête et au pied droit.

 Ses parents, agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de la victime, assignent alors devant les tribunaux la société exploitant le tramway ainsi que son assureur en indemnisation de leurs préjudices.

 Les juges accueillent leur demande et condamnent in solidum la société exploitant le tramway et son assureur à payer à la victime la somme de 240 618, 75 € à titre de réparation de son préjudice corporel et aux parents la somme de 5 000 € au titre de leur préjudice d'affection.

 La société exploitant le tramway conteste cette décision. A l'appui de sa démarche, elle soutient que la loi du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation (dite loi Badinter) ne saurait s'appliquer en l’espèce. En vain.

 Saisie du litige, la Cour de cassation rejette l’argument. Si, en effet, l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation prévue par la loi Badinter est applicable aux victimes d'accidents dans lesquels est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou se semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres, force est de constater en l’espèce, qu’à l’endroit où s’est produit le choc, la voie de tramway ne lui était pas propre en ce qu'elle n'était pas isolée du trottoir qu'elle longeait.

 Cour de cassation, 2ème chambre civile, 21 décembre 2023, pourvoi n° 21-25.352

Chute d’un piéton dans un parking : en l’absence de contrat, la responsabilité délictuelle peut être engagée !

Dans un arrêt du 21 décembre 2023, la Cour de cassation a jugé que la responsabilité de l'exploitant d'un parking peut être engagée, a l'égard de la victime d'une chute survenue dans ce parking, sur le fondement de la responsabilité contractuelle si la victime a contracté avec cet exploitant et sur celui de la responsabilité extra-contractuelle si la victime est tiers au contrat de stationnement. Explications.

Dans cette affaire, une femme avait chuté alors qu'elle marchait dans un parc de stationnement souterrain. Blessée, elle a assigné, devant les tribunaux, en responsabilité et indemnisation de son préjudice, la société exploitant le parking et son assureur.

Mais pour les juges, cette demande, fondée sur la responsabilité délictuelle, ne peut aboutir car une société qui met à disposition un espace de stationnement, et par conséquent organise et réserve des voies de circulation pour les piétons, qu’ils soient conducteurs ou non, conclut avec eux un contrat qui la rend débitrice d'une obligation de sécurité excluant l'application du régime de responsabilité délictuelle.

Mécontente, la victime conteste, arguant qu’il n’y a de contrat qu'entre le conducteur du véhicule qui le gare dans un parc de stationnement (pour autant qu'il prenne un ticket) et l'exploitant de ce parc de stationnement, et non entre ce dernier et le passager du véhicule.

Saisie du litige, la Cour de cassation valide ce raisonnement, considérant que la preuve d’un contrat entre l’exploitant du parking et la victime n’est pas démontrée. Elle juge donc pour la première fois que la responsabilité de l'exploitant d'un parking peut être engagée, à l'égard de la victime d'une chute survenue dans ce parking, sur le fondement de la responsabilité contractuelle si la victime a contracté avec cette exploitant et sur celui de la responsabilité délictuelle si la victime est tiers au contrat du stationnement.

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 21 décembre 2023, pourvoi n° 21-22.239

Accidents de la circulation : articulation entre la loi du 5 juillet 1985 et le droit commun de la responsabilité civile

Les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 n’excluent pas l’application de la responsabilité civile extracontractuelle de droit commun à l’encontre de toute personne autre que les conducteurs et gardiens des véhicules terrestres à moteur impliqués dans l’accident.

Telle est la précision que vient d’apporter la Cour de cassation.

Dans cette affaire, un cycliste qui circulait à vélo avait été renversé par un autre cycliste qui se trouvait derrière lui, alors qu'un camion non identifié venait de les dépasser.

Souhaitant être indemnisé de ses préjudices, le cycliste blessé a par la suite assigné le second cycliste (et son assureur) devant les tribunaux, sur le fondement de la responsabilité civile extracontractuelle de droit commun.

Une question se posait alors : le cycliste renversé pouvait-il agir contre l’autre cycliste sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile ?

« Non », répondent les juges : dès lors qu’un véhicule terrestre à moteur est impliqué dans l’accident, seule une action sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 (dite loi Badinter) est possible à l’encontre du conducteur et, à défaut d’être identifié, contre le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO).

Saisie du litige, la Cour de cassation censure ce raisonnement. Au visa de l’article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et des articles 1382 et 1384, alinéa 1er, devenus 1240 et 1242, alinéa 1er du Code civil, elle juge que, si les dispositions de la loi de 1985 « sont d’ordre public, elles n’excluent pas l’application de celles relatives à la responsabilité civile extracontractuelle de droit commun à l’encontre de toute personne autre que les conducteurs ou gardiens des véhicules terrestres à moteur impliqués dans l’accident ».

Ainsi, il convient de distinguer deux situations : en présence d’un accident impliquant un véhicule terrestre à moteur et une autre personne, la responsabilité de cette dernière peut être mise en œuvre sur le fondement du droit commun, alors que la responsabilité du conducteur d’un véhicule terrestre à moteur ne pourra exclusivement être engagée que sur le fondement de la loi de 1985.

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 30 novembre 2023, pourvoi n° 22-18.525

Erreur médicale : indemnisation possible d’un préjudice moral non compris dans les souffrances endurées et le déficit fonctionnel permanent

Par une décision en date du 6 décembre 2023, la Cour de cassation juge qu’il est possible d'indemniser indépendamment un préjudice moral dès lors que les sommes allouées au titre du déficit fonctionnel permanent et des souffrances endurées n'incluent pas ce préjudice. Explications.   

Victime d’une subluxation rotulienne, un homme est opéré sous arthroscopie réalisée par un chirurgien orthopédiste. Au cours de l’opération, le chirurgien décide de procéder à l’ablation de la bourse pré-rotulienne du patient. Puis, à la suite de la survenue d'un hématome postopératoire, une nouvelle intervention chirurgicale est pratiquée. 

Dix ans plus tard, le patient, souffrant de douleurs articulaires persistantes, assigne devant la justice le chirurgien, en responsabilité et indemnisation.

Après avoir constaté que l'ablation de la bourse pré-rotulienne, organe sain, avait été inutile, les juges concluent à une faute du chirurgien et, à ce titre, allouent au patient 1 000 € en réparation du préjudice moral subi.

Aux côtés de son assureur, le chirurgien se défend, rappelant « que le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés est inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent, de sorte qu’il il ne peut être indemnisé séparément au titre d'un préjudice distinct ». En vain.

Saisie du litige, la Cour de cassation confirme la décision des juges. Elle valide ainsi la possibilité d'indemniser indépendamment un préjudice moral dès lors que les sommes allouées au titre du déficit fonctionnel permanent et des souffrances endurées n'incluent pas ce préjudice dont, par ailleurs, il a été constaté l'existence.

Cour de cassation 1èrechambre civile, 6 décembre 2023, pourvoi n° 22-20.786

Accident complexe impliquant une remorque : quid de la contribution à la dette ?

En cas d’accident complexe impliquant un ensemble routier formé par un véhicule auquel est attelée une remorque, le Code des assurances offre aux victimes la possibilité d’exercer leur action en indemnisation soit à l’encontre de l’assureur du véhicule, soit à l’encontre de l’assureur de la remorque. En revanche, la solution diffère quant à la contribution finale de la dette.

Tel est le rappel que vient d’effectuer la Cour de cassation.

Dans cette affaire, un ensemble routier, composé d’un tracteur et d’une remorque, avait percuté un véhicule léger, avant de franchir le terre-plein central, de se renverser et de percuter un second ensemble routier, également composé d’un tracteur et d’une remorque. Des débris de la collision avaient alors heurtés deux autres véhicules légers. Le conducteur du premier ensemble routier ainsi qu’une passagère se trouvant dans l’un des véhicules heurtés par les débris sont décédés. Les autres personnes impliquées ont été blessées.

Après avoir indemnisé les victimes, l’assureur du premier ensemble routier a assigné en justice les assureurs des autres véhicules. Il sollicitait leur condamnation à lui rembourser 1/7ème des indemnités versées, considérant que 7 véhicules étaient impliqués dans l’accident. En vain.

Saisie du litige, la Cour de cassation confirme la décision des juges qui ont considéré que les ensembles routiers, composés d’un tracteur et d’une remorque, forment chacun, au stade de la contribution à la dette, un seul et unique véhicule. En l’espèce, la charge de la dette d’indemnité doit donc se répartir non pas par septième mais par cinquième.

Pour les Hauts magistrats, l’article R. 211-4-1 du Code des assurances distingue en effet, au stade de l’obligation à la dette, le véhicule et la remorque qui lui est attelée, dans l’unique but d’offrir une option à la victime dans l’exercice de l’action directe et de faciliter l’indemnisation. Mais, une fois ce but atteint, le véhicule et la remorque redeviennent un seul et même véhicule  

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 12 octobre 2023, pourvoi n° 21-19.580